source image : The Guardian
Dix silhouettes courbées, blanches, trainent leurs chaussons sur le sol encore noir de la scène. Deux, trois, quatre, sept... Ayant eu la chance de rencontrer Luna Bloomfield, une danseuse ayant interprété la pièce un grand nombre de fois, qui a contribué à nous transmettre certains tableaux de la pièce, nous ne pouvions nous empêcher de compter chaque pas (ndlr : "nous", la classe de terminale spécialité danse du lycée Jean Dautet, La Rochelle). Entre silences et musiques entraînantes, les danseurs se dévoilent, nous laissant voir en chacun une personnalité différente. On se moque d'eux, on en a peur, on les rejette mais eux ne s'abandonnent jamais. On sent à chaque instant les liens qui les maintiennent ensemble. En voyant ces personnages étranges je ne peux m'empêcher de m'attendrir. Les souvenirs de toutes nos répétitions flottent au dessus d'eux avec les particules farineuses qui se déposent au fil de la prestation sur la scène. Je m'amuse à observer les réactions des spectateurs, tantôt riant aux éclats, tantôt consternés. Je ne pense pas que cette pièce soit particulièrement facile d'accès et l'avoir vécue à travers la transmission de Luna Bloomsfield m'a certainement permis d'avoir l'empathie nécessaire pour être touchée par ces personnages. Mais pour qui est un minimum connaisseur du théâtre de l'absurde, il est impossible de nier le génie de Maguy Marin. En effet, elle retranscrit parfaitement dans sa pièce toute la thématique de la difficulté de la parole très utilisée par les auteurs de l'absurde. On reconnait notamment des citations de Beckett avec les phrases mystérieuses que sont "Fini, c'est fini, ça va finir, ça va bientôt finir" et "Salop, con et putain nom d'un chien, elle m'avait pas dit tout ça". Je pense que la beauté de l'absurde c'est la liberté d'interprétation et là où je vois des personnages traumatisés par les difficultés de la vie qui se plaignent de ne pas avoir été préparés à cela d'autres verront dix vieux bougonnant. Parfois même, ces derniers s'expriment sans être entendus, la musique couvrant leurs paroles inarticulées. Que veulent-ils nous dire ? Nul ne peut le savoir. Pourtant je n'ai jamais trouvé une chose aussi sensée que cette image d'un monde insensé, d'une vie qui ne serait qu'un éternel recommencement. Et surtout, contrairement à ce que j'avais pensé en voyant pour la première fois des images de cette pièce chorégraphique, May B a été pour moi comme une vague d'espoir. On voit dans cette pièce toute l'importance des relations humaines, amicales, sans lesquelles vivre n'aurait plus de sens.
C.C.